Qui n’a pas rêvé de s’échapper l’espace d’une soirée, de se téléporter, de changer d’endroit, d’ambiance ? Prendre sa voiture et rouler vers des horizons inconnus ? La liberté au bout du capot…
En ces temps compliqués, le secteur culturel tente par tous les moyens de faire face aux difficultés qu’il rencontre. Tous les secteurs d’activité doivent se réinventer. Cette période pour le moins exceptionnelle inspire énormément. En effet, de nombreuses initiatives originales sont apparues suite au confinement et ce, notamment, pour le plus grand plaisir des cinéphiles. À défaut de ne pouvoir se rendre dans les salles de cinéma, en Belgique comme dans beaucoup d’endroits de par le monde, ce sont dans des parcs « Drive-in » que les spectateurs ont pu assister à des projections sur grands écrans.
Vous vous demandez peut-être en quoi consiste le Drive-in… Écran, projecteur, spectateurs, nourriture et voitures sont les maîtres mots de ce concept populaire, stéréotype du rêve américain. Selon le Dictionnaire Larousse le Drive-in représente : « Le Cinéma en plein air où les automobilistes suivent le film sans descendre de leur voiture. »
L’histoire du Drive-in, d’étonnantes origines…
Un projecteur sur le toit de sa voiture, un drap tendu entre deux arbres, c’est un soir de 1928 que Richard Hollingshead installe le premier drive-in dans son jardin. Ce vendeur de pièces détachées automobiles décide de lier ses deux passions, partagées par beaucoup d’américains : le cinéma et les voitures. Plus qu’une réponse à une demande de la société, cette illumination révolutionnaire pour l’époque trouve ses origines dans des circonstances plutôt burlesques ! En effet, cette idée lui vient alors qu’il souhaite présenter un film à sa maman qui ne correspond pas vraiment au standard dimensionnel des sièges de salle de cinéma…
Il travaille sur ce concept pendant plusieurs années et le dépose finalement en mai 1933 avec l’ouverture du premier Drive-in Theater dans le New Jersey.
De l’Âge d’or du cinéma Drive-in au déclin progressif…
Les projections en plein air ne connaissent un franc succès qu’à l’apparition des postes auto-radio vers 1940. On retrouve alors la plupart des parcs dans des milieux ruraux, là où la voiture occupe une place importante dans le quotidien des américains et où les salles de cinéma se font rares. Les séances sont peu onéreuses et ce sentiment de liberté que l’on ne retrouve pas au sein des salles attire beaucoup de monde. Cet engouement se conforta dans les années 1950 et 1960 avec la génération des babys Boomers. Michel Etcheverry, spécialiste du cinéma américain, énonce d’ailleurs dans son ouvrage Cent ans d’aller au cinéma que le drive-in représente davantage un rituel social qu’une expérience proprement cinématographique. On compte à cette époque plus de 4000 ciné-parcs. Dans son chapitre « Les drive-in », l’auteur ajoute que les séances en plein air représentent alors à son apogée un quart des recettes d’exploitation cinématographiques pour l’ensemble du territoire nord-américain. Ceci constitue une économie à part entière.
1970, cette tendance tend à disparaître. Le développement du cinéma à la maison grâce aux VHS, la crise contraignant les américains à se tourner vers des voitures plus modestes et l’urbanisation galopante sont autant de facteurs qui ont contribué à la décadence du cinéma drive-in.
Aujourd’hui, il reste environ 300 drive-in aux USA et une centaine dans le reste du monde essentiellement au Canada et en Australie. Bien que ce concept aux apparents obsolètes semble se diriger vers sa disparition, certaines enseignes tentent d’enrichir ce business model en étoffant les offres qu’ils proposent : double programmation, vente de rafraichissements et de snacks, air de jeux pour les enfants…
Quelle vision se fait-on du concept drive-in cinéma américain ?
Le coffre de la voiture face à l’écran, emmitouflé(e) dans une couverture au crépuscule de la nuit, une boite de popcorn dans une main et un soda dans l’autre, accompagné(e) de son/sa bien-aimé(e) ou entouré(e) de ses amis, enclin à partager ce moment agréable et profiter du film de la soirée.
Le cinéma drive-in, contrairement au drive-in de la restauration rapide, n’a pas cette connotation de vitesse. Il faut installer sa voiture, prendre ou non les snacks qui vont accompagner ce moment convivial, savourer le film confortablement installé au pied du grand écran.
Une part de la population peut se montrer réticente aux influences outre atlantique… Et même si notre culture n’est pas comparable à celle des aux Etats-Unis, chez nous, actuellement, les gens ont besoin de calme, de sérénité, de prendre leur temps et de retourner à des plaisirs simples. Le cinéma en plein air pourrait répondre à ces besoins.
L’idée de sortir en « plein air » et fuir la ville, éviter la proximité sociale et favoriser la distanciation, limiter nos déplacements et chercher des activités proches de notre domicile sont des ingrédients qui pourraient nous être imposés dans un premier temps mais qui pourraient s’imposer naturellement dans le temps. Devenant un mode de vie habituel, nous allons adopter de nouvelles habitudes. Le cinéma drive-in pourrait alors prendre sa place dans cette nouvelle notion de société plus confinée, plus respectueuse des distanciations…
Cela pourrait alors dépasser le « one shot », le mouvement éphémère créé par un événement à la base malheureux et devenir durable dans le temps. On adopterait alors de nouvelles manières de « consommer » du plaisir.
Un regain de popularité dans notre société
Le drive-in cinema en Europe n’est pas une nouveauté mais cela n’a jamais pris autant d’ampleur qu’aux États-Unis. Malgré quelques événements et quelques ciné-parcs permanents, comme par exemple le Drive-in de la Médiacité à Liège, le cinéma en plein air ne fait pas encore partie intégrante des habitudes des belges.
Après le premier confinement, les cinémas en plein air se sont multipliés en Belgique. Ce qui a permis aux spectateurs de profiter de films en famille ou entre amis tout en gardant les distanciations sociales conseillées afin d’éviter la propagation du virus. Parmi ces ciné-parcs éphémères nous pouvons citer le « Kinepolis On tour », qui a organisé un drive-in itinérant et s’est rendu dans de nombreuses villes telles que Bruxelles, Durbuy, Bruges, Liège et bien d’autres. Mais aussi « Drive-in cinéma » qui s’est installé du 21 au 27 septembre sur un parking de l’aéroport de Liège et a proposé près de 90 projections pour tous les goûts : La ligne verte, Grease, Les dents de la mer, Dirty Dancing, Avatar, Dumbo, Bohemian Rapsody, A Star is born… Pour plus d’exemples, cliquez ici.
Alors les cinémas en plein air vont-ils disparaitre en même temps que le virus ou vont-ils se perpétuer et évoluer dans cette nouvelle société ? Cette pratique a-t-elle sa place dans une société où la question environnementale est omniprésente ?
Laurence Frippiat, Bloc 3, Communication et projets culturels
Bibliographie
ACADEMY, New York Film. The History of Drive-In Movie Theaters (and Where They Are Now). Dans : Student Resources [en ligne]. 7 juin 2017. Disponible à l’adresse : https://www.nyfa.edu/student-resources/the-history-of-drive-in-movie-theaters-and-where-they-are-now/
Cent ans d’aller au cinéma – Les drive-ins – Presses universitaires de Rennes [en ligne]. [s. d.]. Disponible à l’adresse : https://books.openedition.org/pur/1681#ftn2
CHOPPIN, Damien. Les initiatives de cinémas drive-in se multiplient en France mais ne font pas que des heureux. Dans : Business Insider France [en ligne]. 15 mai 2020. Disponible à l’adresse : https://www.businessinsider.fr/les-initiatives-de-cinemas-drive-in-se-multiplient-en-france-mais-ne-font-pas-que-des-heureux-184544
Cinéma drive-in : où profiter d’une séance ciné en plein air en Belgique ? Dans : Marie Claire Belgique [en ligne]. 13 août 2020. Disponible à l’adresse : https://marieclaire.be/fr/cinema-drive-in-belgique/
Cinéma et déconfinement : quand le Drive-In du Cinquantenaire attirait plus de 15.000 cinéphiles chaque été. Dans : RTBF Info [en ligne]. 24 juin 2020. Disponible à l’adresse : https://www.rtbf.be/info/regions/detail_cinema-et-deconfinement-quand-le-drive-in-du-cinquantenaire-attirait-plus-de-15-000-cinephiles-chaque-ete?id=10528699
Définitions : drive-in – Dictionnaire de français Larousse [en ligne]. [s. d.]. Disponible à l’adresse : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/drive-in/26819
Le Kinepolis de Rocourt vous propose des séances en mode « drive-in » du 18 au 23 août. Dans : RTBF Info [en ligne]. 6 août 2020. Disponible à l’adresse : https://www.rtbf.be/info/regions/liege/detail_le-kinepolis-de-rocourt-vous-propose-des-seances-en-mode-drive-in-du-18-au-23-aout?id=10556200
Médiacité fait son cinéma (Médiacité) – Cinéma : Projection | Out.be [en ligne]. [s. d.]. Disponible à l’adresse : https://www.out.be/fr/evenements/607646/mediacite-fait-son-cinema/
Richard Hollingshead et le premier Drive-In Theater [en ligne]. [s. d.]. Disponible à l’adresse : https://www.greelane.com/fr/sciences-humaines/histoire-et-culture/history-of-drive-in-theaters-4079038/