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Depuis le début de la crise du COVID-19, un des secteurs les plus touchés est celui de la culture. Le monde de la musique notamment est en stand-by : plus de possibilités de tournées, de concerts, de soirée en club, de rave party. Comment se réinventer dans ces circonstances ? En fait, comme souvent, Internet avait déjà une longueur d’avance. Explications.

Les festivals en ligne, une nouveauté, vraiment ?

Aujourd’hui, pour combattre l’impossibilité d’organiser une soirée ou un concert, beaucoup d’artistes et d’organisateurs utilisent internet et diverses plateformes (Facebook Live, Instagram, Twitch, pour ne citer qu’elles) afin de pouvoir continuer à jouer en live, sans briser les règles sanitaires anti-COVID. Dans le monde de la musique électronique, c’est un peu différent : si les DJs et producteurs sont évidemment très gravement affectés par la crise du milieu culturel, la musique électronique utilisait déjà toutes ces plateformes pour diffuser des live bien avant cette crise. On peut penser notamment au concept anglais Boiler Room : des DJ sets organisés à travers le monde, avec une audience limitée, mais filmés et diffusés sur internet en direct, sur YouTube par exemple. Le projet est lancé en 2010, il y a 10 ans donc, et continue aujourd’hui. On peut également citer les raves alternatives de SPF420, concept lancé vers la moitié des années 2010. Le principe ? Un artiste diffuse sa musique tout en étant présent en direct à travers sa webcam sur la plateforme Tinychat. Les spectateurs pouvaient allumer leur webcam également et écrire dans le chat. La diffusion en direct de musique électronique ne date pas d’hier donc. Et la majorité des radios spécialisées dans la musique électronique concentrent généralement leurs efforts sur le digital, comme par exemple la radio NTS, britannique également, mais dont on peut écouter tous les programmes et les rediffusions gratuitement sur le site.

DJ set de Kaytranada pour Boiler Room – Capture d’écran

Ces évènements duraient généralement quelques heures, avec quelques artistes, dépassant rarement le nombre de 5. Si ces habitudes de diffusion en ligne existaient donc déjà dans la communauté de la musique électro, il n’y avait pas encore de festival à proprement parler.

Une décennie plus tard, en 2020, des milliers de gens se retrouvent sur Minecraft pour participer à un festival en ligne qui compte plus de 80 artistes et qui dure plusieurs jours. Comment en est-on arrivé là ?


Tout ça commence avec… une fête d’anniversaire

Si la pandémie du COVID que nous connaissons aujourd’hui a rendu presque nécessaires ces évènements, en 2018, Max Schramp et Umru d’Open Pit étaient loin d’imaginer qu’ils organiseraient un jour des festivals en ligne sur Minecraft, le jeu vidéo de création libre.

Pourquoi Minecraft ? Parce que c’est le jeu le plus vendu au monde, et que grâce à son principe de construction libre, ils pouvaient réaliser à peu près ce qu’ils voulaient sans devoir passer par une demande à l’éditeur du jeu. Max voulait « organiser une fête d’anniversaire avec ses amis » sur le jeu, et donc il a eu l’idée de contacter ses potes producteurs et DJs afin qu’ils s’occupent de l’animation. Il partage en public, sur Twitter, une invitation à sa soirée, et c’est un énorme succès : par le phénomène de bouche à oreille, des centaines de personnes se rendent à sa soirée car elles sont intéressées par les artistes proposés et trouvent l’expérience unique et sympa.


L’affiche de la fête d’anniversaire de Max Schramp

Après cette première expérience, Max et Umru développent leur équipe, qu’ils nomment Open Pit, et décident d’organiser de « véritables » évènements, des festivals invitant certains des plus grands noms de la scène électronique, comme Ryan Hemsworth, Baauer, A.G. Cook, et bien d’autres. Open Pit va alors continuer à réaliser de nombreux évènements en ligne, Coalchella (Parodie de Coachella), Fire Fest 2019 (Parodie du festival raté Fyre Festival, qui a fait l’objet d’un documentaire Netflix en 2019), MineGala (Une parodie du Met Gala américain), NetherMeant, Square Garden (Parodie du Madison Square Garden), et A3THER.

2 (!) ans plus tard seulement le line-up de Lavapalooza

Le 11 avril 2020, Open Pit a tout d’abord organisé NetherMeant, un festival d’un jour avec pas moins de 17 représentations en live. Les fonds levés par le festival ont été versés à la recherche contre le COVID. L’évènement principal qu’Open Pit a réalisé en 2020 est le festival Lavapalooza. Il se déroulait du 14 au 15 août et réunissait plus de 80 artistes pour autant de représentations live. Les évènements sont des réels succès et offrent à ceux qui souhaitent revivre la sensation d’une sortie en rave party quelque chose de similaire.

Une alternative viable, post-COVID ?

S’il est indéniable que le succès est au rendez-vous, on peut se poser la question de l’après COVID. Est-ce qu’après la pandémie, ce genre de festival pourra continuer à exister ?

Reprenons l’exemple d’Open Pit. L’organisation, si elle reste coûteuse pour proposer un évènement de l’ampleur de Lavapalooza, s’en trouve toutefois simplifiée : on « crée » un festival, à savoir le lieu physique dans lequel on se rend , que ce soit dans Minecraft ou toute autre plateforme, et donc pas besoin de louer une salle ou un lieu. Le booking des artistes est également plus simple : pas besoin de payer les frais d’hôtel ou encore d’avions du DJ qu’on veut voir jouer à notre festival. En effet, celui-ci n’a qu’à se connecter au jeu et proposer sa performance, qu’il peut réaliser en étant dans sa chambre ou dans son lit s’il le souhaite. L’expérience proposée aux spectateurs reste cependant le point faible du festival électro organisé sur Minecraft : il ne remplacera jamais les sensations éprouvées lorsqu’on est dans une foule à festival. Mais le prix d’entrée vient sauver la mise : souvent gratuits, encourageant les dons mais en ne les obligeant pas, les festivals d’Open Pit intéressent donc énormément et permettent de voir en live certains de nos artistes préférés sans dépenser un sou (excepté pour le jeu, évidemment, mais qui est un achat unique).

Il ne faut toutefois pas oublier qu’après la pandémie, la majorité des personnes auront envie de se voir, de se réunir, de pouvoir se toucher, etc. Les évènements digitaux seront donc sûrement moins convoités pendant un certain temps : rapidement, on voudra retrouver les sensations d’un concert live, les sensations uniques de participer à un festival durant plusieurs jours en camping comme par exemple à Dour, les sensations liées aux vibrations de la musique, des basses, etc. C’est une expérience véritablement unique qui ne peut pas (encore ?) être remplacée virtuellement. Les fans de musique voudront retrouver cette expérience et il est donc possible qu’organiser un évènement digital post-COVID soit plus difficile.

Mais pas pour autant inutile ou impossible : la situation nous a montré que ce genre de festival peut être une alternative, et si la crise continue, ce type d’événement pourra s’inscrire dans la longueur et permettra aux artistes, aux organisateurs et aux spectateurs de vivre et de profiter de la culture.

Nicolas Thirion, Bloc 3, Communication et projets culturels

Post Author: comuniquehepl

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